LES TITRES “MUQARADHA” ET LES TITRES D’INVESTISSEMENT

Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

Louanges à Allah, Seigneur des Mondes.

Que les éloges, et le Salut soient sur notre Maître Mohamed, Ultime Messager, sur les Siens et sur Ses Compagnons.

RÉSOLUTION N°30 (5/4)

LES TITRES “MUQARADHA

ET LES TITRES D’INVESTISSEMENT

Le Conseil de l’Académie Internationale du Fiqh Islamique, réuni en sa quatrième session, tenue à Jeddah, Royaume d’Arabie Saoudite, du 18 au 23 Joumada Thani 1408 H (6 au 11 février 1988),

Après avoir pris connaissance des documents qui lui ont été soumis sur la question des “Titres Mouqaradha et les titres d’investissement” et qui constituent les conclusions des travaux du séminaire organisé par l’Académie, en collaboration avec l’Institut Islamique de Recherches et de Formation (IRTI) de la Banque Islamique de Développement, du 6 au 9 Muharram 1408 H (2 au 5 septembre 1987), en application de la résolution n° 10/3 adoptée par la 3e session du Conseil et avec la participation de ses experts ainsi que les chercheurs de l’Institut et d’autres centres scientifiques et économiques;

Considérant l’importance cruciale de cette question et la nécessité de l’examiner minutieusement sous tous ses aspects ;

Considérant également que cette formule permet de promouvoir les potentialités de développement des ressources à travers la combinaison du capital et du travail ;

Après avoir passé en revue les dix recommandations du séminaire et les avoir discutées à la lumière des études soumises à ce séminaire et à d’autres rencontres.

DÉCIDE CE QUI SUIT :

Premièrement : Du point de vue de la forme des Sukuk Mouqaradha acceptable aux yeux de la Charia :

  1. Le Titre de Mouqaradha est un instrument d’investissement qui répartit le capital de Mouqaradha (Moudharaba) par l’émission de titres de propriété de ce capital sur la base de parts d’égales valeurs, enregistrés au nom de leurs porteurs, en leur qualité de propriétaires de parts indivises du capital de Moudharaba et des formes qu’il pourrait prendre, et ce, au prorata de ce qui leur revient de ce capital. Il est préférable de dénommer cet instrument d’investissement “Sukuk Mouqaradha
  2. La forme acceptable du point de vue de la Charia, d’une façon générale, pour les certificats Mouqaradha, doit nécessairement comporter les éléments ci-après :

Premier élément : Le titre Mouqaradha doit représenter une propriété d’une part indivise dans le projet pour l’établissement ou le financement duquel ces titres ont été émis. La propriété doit durer du début à la fin du projet. Il confère également tous les droits et privilèges reconnus par la Charia au détenteur de la propriété, à savoir la vente, le don, l’hypothèque, l’héritage et autres, en tenant compte du fait que ces titres représentent le capital Moudharaba.

Deuxième élément : En ce qui concerne les titres Mouqradha, le contrat est conclu sur les bases suivantes: les conditions sont celles définies dans l’appel à la souscription publique (prospectus), la prise d’option se traduit par la souscription à ces titres et l’agrément exprime l’accord de la partie émettrice.

L’appel à la souscription publique doit comporter toutes les données requises par la Charia dans le contrat de “Qiradh” (Moudharaba), c’est-à-dire la nature du capital, la distribution des bénéfices et autres conditions particulières inhérentes à cette émission qui doivent être conformes à la Charia.

Troisième élément : Le titre Mouqaradha doit être négociable au terme de la période de souscription, étant considéré que le Moudharib (le gestionnaire du capital et du projet) a donné son accord, au moment de l’émission, à condition de tenir compte des règles suivantes :

  1. Si le capital de Qiradh, réuni au terme de la souscription publique et, avant son utilisation, est encore à l’état de liquidité, la négociation des titres Mougaradha constitue un échange d’argent contre de l’argent et est soumise aux dispositions de la Charia régissant le change.

  1. Si le capital de Qiradh est transformé en dettes, la négociation des titres Moudharaba est soumise aux règles de la négociation des prêts.

  1. Si le capital Qiradh est converti en avoirs mixtes comprenant des liquidités, des dettes, des biens en nature et des usufruits, les titres Mouqaradha peuvent être négociés à un prix convenu, pourvu que la majeure partie du capital soit sous forme de valeurs en nature et d’usufruit. Mais, au cas où il serait en majorité constitué de liquidités et de dettes, la négociation des titres est soumise aux lois de la Charia qui seront précisées dans une note explicative qui sera préparée et présentée à la prochaine session de l’Académie. Quoi qu’il en soit, tous les échanges doivent être enregistrés conformément aux normes reconnues, dans les registres de la partie émettrice.

Quatrième élément :

Celui qui reçoit les fonds provenant de la souscription publique aux titres Mouqaradha pour l’investissement dans le projet proposé est le “Moudharib” c’est-à-dire le gestionnaire du capital et du projet. Il ne possède du projet qu’une part égale au montant qu’il aurait pu souscrire, et sera ainsi détenteur de la partie du capital qu’il aura apportée, en plus de sa part dans les bénéfices après leur réalisation, conformément aux conditions stipulées dans l’appel à la souscription. C’est sur cette base qu’il pourra prendre part à la propriété du projet. Le rôle du Mudharib dans la gestion des fonds souscrits et dans la propriété du projet est celui d’un dépositaire, qui ne peut pas être tenu pour responsable, sauf si sa responsabilité est permise par les dispositions de la Charia.

  1. Tout en tenant compte des dispositions précitées relatives à la négociation, on peut noter que la négociation des titres Mouqaradha dans les marchés financiers est permise conformément aux règles de la Charia et en fonction du contexte de l’offre et de la demande. En pareil cas, la négociation des titres Mouqaradha est soumise à l’approbation des parties contractantes.

La négociation des titres est également permise si, à des périodes régulières et déterminées, la partie émettrice fait une annonce ou une offre au public, par laquelle elle s’engage à racheter les titres à un prix fixé en utilisant les bénéfices tirés de l’opération de Moudharaba. Il est préconisé, dans ce cas, que les prix soient fixés par des experts, à la lumière des conditions prévalant sur le marché et du centre financier du projet. Une annonce ou une offre peut également être faite par une partie autre que la partie émettrice, indiquant son engagement à racheter les titres en utilisant ses propres fonds de la manière indiquée précédemment.

  1. Il n’est pas permis que l’annonce d’émission ou que les titres de Mouqaradha soient assortis d’une garantie du capital par le gérant, ou d’une garantie d’un bénéfice d’un montant forfaitaire ou équivalent à un pourcentage du capital. Si une telle clause est explicitement ou implicitement mentionnée, la condition de garantie s’annule et le gestionnaire du capital et du projet (Moudharib) a droit à un bénéfice équivalent à celui tiré d’une opération effectuée dans les mêmes conditions.

  1. Le prospectus d’émission ou le certificat Mouqaradha émis par suite de cette publication, ne doit pas comporter de texte imposant la vente, même s’il est soumis à une condition ou une date ultérieure. Cependant, un titre Mouqaradha peut comporter une promesse de vente et dans ce cas, la vente ne peut intervenir que sur la base d’un contrat et à un prix fixé par des experts qualifiés et acceptables aux deux parties.

  1. Le prospectus ou le titre Mouqaradha ne doivent comporter aucun texte indiquant que la société a pu fixer les bénéfices. Si un tel texte existait, le contrat deviendrait alors nul.

En conséquence :

  1. Le prospectus ou le titre mouqaradha émis à la suite de cette publication ne doit pas stipuler le paiement d’un montant spécifique à l’actionnaire ou le propriétaire du projet.

  1. Seul le bénéfice doit être partagé comme les règles de la Charia afférentes le déterminent, à savoir que ce qui est en plus du capital et non le chiffre d’affaires ou le rendement. Le montant du bénéfice est évalué soit par bilan (tandhidh), soit par évaluation financière du projet.

Tout ce qui dépasse le capital après bilan ou évaluation constitue le bénéfice qui doit être réparti entre les porteurs de titres et le Moudharib, conformément aux dispositions du contrat.

  1. Un compte de pertes et profits du projet doit être établi et publié et doit être mis à la disposition des porteurs de titres.

  1. Le bénéfice est dû quand il est réalisé. Sa posséssion est effective par bilan ou évaluation, et il n’est payable qu’après répartition. Si le projet produit un chiffre d’affaires ou un rendement, il est permis d’en distribuer le rendement. Tout ce qui est distribué aux parties contractantes avant le bilan (tandhidh) est considéré comme une avance avant le calcul définitif.

  1. Il est permis, selon la Charia, d’inclure dans le prospectus ou le titre mouqaradha, une clause stipulant qu’au terme de chaque exercice, un certain pourcentage sera déduit, soit de la part des bénéfices revenant aux porteurs de titres au cas où il y aurait bilan périodique, soit de leur part du chiffre d’affaires et du rendement distribués à titre d’acompte, et ce, pour constituer un fonds de réserve permettant de faire face aux imprévus, tels que la perte de capital.

  1. Rien, dans la Charia, n’interdit de faire mention, dans le prospectus ou les titres mouqaradha, d’une promesse faite par une tierce personne, étrangère par sa personnalité et son appartenance financière aux deux parties contractantes, de faire don, sans contrepartie, d’une somme d’argent destinée à faire face aux pertes ayant affecté un projet. Cela, à condition qu’un tel engagement soit indépendant du contrat de spéculation, c’est-à-dire que le fait, pour la tierce personne, d’honorer ses engagements ne constitue pas une condition de validité du contrat ni de l’application de son exécution. Il s’ensuit que les porteurs de titres et le Moudharib ne peuvent pas prétendre à l’invalidité de la Moudharaba en raison de la défaillance de la tierce personne à tenir sa promesse, sous prétexte que cet engagement fut pris en considération dans le contrat.

Deuxièmement : Le Conseil de l’Académie a passé en revue quatre autres formes mentionnées dans les recommandations du séminaire qu’il a organisé. Elles sont indiquées ci-dessous en tant que suggestions dont on peut tirer profit dans l’établissement de Waqfs et son utilisation pour investir sans contrevenir aux conditions qui doivent être observées pour assurer la pérennité du Waqf. Ces formes sont :

  1. Constituer un partenariat entre le Waqf, par la valeur de ses possessions en nature, et les détenteurs de capitaux, au moyen des fonds qu’ils apportent, pour faire fructifier le Waqf.

  1. Présenter les biens immobiliers du Waqf (comme biens fixes) à un entrepreneur utilisant ses propres fonds, pour les développer, moyennant une part sur les revenus du Waqf.

  1. Constituer des Waqfs au moyen de contrats de fabrication (Istisna’) conclus avec les banques islamiques, moyennant une part des bénéfices.

  1. Louer le Waqf en contrepartie de biens en nature, tels que le fait de construire sur le site du Waqf uniquement, ou en plus d’un loyer modique.

Le Conseil de l’Académie est d’accord avec la recommandation du séminaire concernant la nécessité de plus développer les explications autour de ces formes d’exploitation du waqf. Il a chargé le Secrétariat général de l’Académie d’étudier la question, d’identifier d’autres formules d’investissement acceptables aux yeux de la Charia, d’organiser un séminaire sur ces formules d’investissement et d’en exposer les conclusions au Conseil lors de sa prochaine session.

Allah est Plus Savant

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