La responsabilité du Médecin concernant les Erreurs Médicales Non-Intentionnelles du point de vue de la Charia

Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

Louanges à Allah, Seigneur des Mondes.

Que les éloges, et le Salut soient sur notre Maître Mohamed, Ultime Messager, sur les Siens et sur Ses Compagnons

Résolution N 223 (7/23)

La responsabilité du Médecin concernant les Erreurs Médicales Non-Intentionnelles du point de vue de la Charia

Le Conseil de l’Académie Internationale du Fiqh islamique de l’Organisation de la Coopération islamique réuni en sa vingt-troisième session à Médine du 19 au 23 Safar 1440 H (28 octobre-1er novembre 2018).

Après avoir examiné les résolutions de la conférence scientifique concernant : La Responsabilité du Médecin concernant les Erreurs Médicales Non-Intentionnelles du point de vue de la Charia, émises par la conférence organisée par l’Organisation Islamique des Sciences Médicales, au Koweït du 5 au 7 Joumada al-Akhira 1436 H (26-28 mars 2015), et après avoir écouté les discussions approfondies à ce sujet,

Le conseil décide ce qui suit :

Premièrement : Les erreurs médicales non intentionnelles

1) Approuver la définition de l’erreur médicale comme étant “l’échec dans la réalisation d’un acte planifié comme il était prévu, en raison d’une négligence ou d’un manquement ou autre.”

2) Approuver la définition d’incident médical comme étant : “Les dommages résultant d’une intervention médicale et non imputables à l’état de santé initial du patient”.

3) Approuver la définition des “incidents des établissements” comme étant : “Les dommages causés par la survenue simultanée de plusieurs facteurs, à différents niveaux, qui ont conduit à l’erreur. Se rajoutent à cela les causes internes liées au système de santé, qui exposent aux risques et permettent leur avènement lors d’un enchainement de points faibles. “

4) Approuver la définition des fondements de la profession médicale en tant que : “Fondements établis et principes reconnus sur le plan scientifique et pratique”.

5) Établir des programmes scientifiques résultants d’études et de recherches approfondies, sur les causes et les facteurs d’erreurs médicales afin d’élaborer des solutions appropriées pour les minimiser autant que possible.

6) La nécessité de créer l’environnement et les conditions idéales à la réalisation des soins de santé internes et externes afin de garantir leurs succès.

7) La sécurité des patients doit être la principale préoccupation de toutes les politiques médicales.

8) Des ateliers de travail doivent être organisés pour tous les employés du secteur de la santé pour les former, les sensibiliser et développer leur éthique musulmane, afin de surmonter les erreurs qui leur font face. Ces ateliers seront considérés comme l’une des principales tâches du travail médical.

9) Fournir les moyens nécessaires, tels que les appareils, les laboratoires et les informations et respecter les conventions internationales du travail (protocoles) afin de parvenir à un diagnostic sûr et une description précise de la maladie.

10) Le respect des règles et des lois internationales du travail en limitant les heures de travail du personnel médical à huit heures par jour maximum (en particulier pendant les jours de garde), ceci afin de préserver la concentration du médecin et de protéger la santé du patient.

11) S’engager à réduire autant que possible le nombre de patients par médecin afin de donner au malade suffisamment de temps pour expliquer ses problèmes de santé.

12) Il est indispensable d’effectuer une révision périodique de toutes les lois et résolutions relatives aux garanties de sécurité et à la protection du patient contre les erreurs médicales.

13) Insister sur l’importance de l’entretien périodique du matériel médical par des professionnels afin de garantir son bon fonctionnement et sa disponibilité en quantité suffisante.

14) Travailler à la création d’une haute autorité en matière d’erreurs médicales, regroupant des professionnels de différentes spécialités, ayant l’expérience requise et reconnus pour leur honnêteté et leur sincérité.

Ce Comité d’Éthique doit être supervisé par le ministre spécialisé dans le domaine. L’une de ses missions est d’enquêter sur tout incident médical, préjudiciable ou non, le plus rapidement possible avant que ses traces et ses effets ne disparaissent. Cette enquête doit être complète, afin de déterminer la cause et l’effet de l’erreur en cas de dommage. Ses rapports doivent être soumis aux autorités responsables et suivis de recommandations afin d’éviter de telles erreurs à l’avenir.

15) Encourager les médecins fautifs à divulguer leurs erreurs, afin de faire preuve de transparence et de clarté afin de servir l’avenir de la pratique médicale et sa réussite, et instaurer des moyens légaux pour réduire leurs poursuites judiciaires.

16) Encourager les personnes informées des erreurs médicales à les signaler tout en assurant leur protection contre tout harcèlement et tout dommage.

17) La nécessité de créer une base de données portant sur les erreurs médicales élaborée par un comité spécialisé composé de médecins, de Fuqahas et de juristes et promulguer une loi exigeant que tous les acteurs des départements travaillant pour le ministère de la santé signalent les erreurs, et fournissent à la base de données les informations permettant de connaitre les causes et les circonstances de ces erreurs.

18) L’évaluation par l’autorité compétente du membre de l’équipe médicale lorsque celui-ci est à l’origine d’erreurs graves entraînant des dommages, afin d’identifier ses conditions de travail et sa qualification.

19) Inviter les autorités responsables à répertorier et contrôler les produits pharmaceutiques afin de s’assurer que les procédures à ce sujet soient réalisées, de garantir le suivi des médicaments après utilisation, en particulier pour les plus dangereux et enregistrer toute observation d’effets secondaires ou d’interaction médicamenteuse avec d’autres médicaments, ou encore le taux de dommages causés, s’il y en a, et prendre les mesures nécessaires à cet effet.

20) Sensibiliser afin de faire évoluer la conception de la société vis-à-vis des erreurs médicales pour faire accepter leur éventualité dans la pratique médicale.

21) Œuvrer à la création d’une carte numérique dotée d’un système de code-barre à l’intention de chaque individu dans le pays et utilisée dans toutes les transactions médicales, en insistant sur la nécessité de tester le dispositif de code-barre de temps à autre afin d’en vérifier l’efficacité.

22) Travailler à l’émission de recherches, de procédures (protocoles) et de guides de travail afin de renforcer la base de données des patients, leur situation et leurs antécédents médicaux.

23) La nécessité de rassembler et classer les erreurs dans la pratique médicale afin de s’en servir pour faire évoluer les rapports scientifiques et pour analyser chaque type d’erreur.

24) Faire la distinction entre les erreurs médicales dues à la négligence des médecins et celles dues à la négligence des établissements médicaux en raison de la défaillance de leurs systèmes et de leurs matériels indispensables au traitement médical.

25) Faire la distinction entre les erreurs médicales et les événements négatifs indésirables qui sont hors de la volonté du médecin. En outre, faire la distinction entre les erreurs médicales et les complications médicales prévisibles résultant des soins médicaux.

26) Considérer le médecin responsable des cas de négligence et de faute contraires aux règles de traitement médical convenues entre experts en médecine. S’ajoute à cela le cas où le médecin soigne le patient sans sa permission ou celle de son tuteur légal ou des autorités dans les situations où une autorisation est requise.

27) L’indemnisation incombe à la personne responsable en cas de transgression ou de négligence conformément à la Charia et au droit pénal.

28) Travailler à la préparation d’un manuel scolaire sur la déontologie de la médecine et les erreurs médicales dans toutes les spécialités, ainsi que leurs mesures de prévention, et enseigner ce manuel de manière obligatoire aux étudiants en médecine.

29) Le médecin doit apporter une attention particulière au patient et à sa maladie ainsi qu’aux conséquences du traitement, dans les limites de l’intérêt du malade en fonction des circonstances du milieu et de la culture dominante.

30) Le médecin doit agir concernant les soins prodigués à son patient comme une personne soucieuse de son état.

31) Il est interdit au médecin de divulguer les secrets du patient et il portera la responsabilité du préjudice moral ou physique qui en résultera. Voir la résolution no. 79 (10/8) de l’Académie et la recommandation de la conférence de l’Organisation Islamique des Sciences Médicales qui s’est tenue au Koweït en avril 1987.

Deuxièmement : A. La permission médicale

En principe l’autorisation médicale est exigée, et aucune exception n’est faite sauf dans certains cas qui sont les suivants :

  1. A) Les cas urgents représentant une menace pour la vie du patient ou certains membres essentiels de son corps, lorsqu’il est impossible d’obtenir la permission du patient ou de son tuteur légal.

  2. B) Les cas dans lesquels il est nécessaire de traiter ou de prévenir pour l’intérêt général, comme les maladies infectieuses et contagieuses qui représentent une menace pour la santé des membres de la société.

  3. C) Si le patient est atteint d’une maladie mentale ou psychologique menaçant sa vie ou celle d’autrui, il doit être interné de force dans un lieu de traitement après avoir pris les mesures requises.

Deuxièmement : B. Dispense de permission

  1. a) Si le tuteur du patient refuse d’accorder son autorisation, sa tutelle légale sera transférée au tuteur suivant ou à l’autorité générale.

  2. b) Concernant les situations critiques, dans lesquelles le patient adulte et sain d’esprit refuse d’autoriser le traitement, il est du devoir du médecin d’informer le malade des risques pouvant advenir à cause de son refus et le médecin doit documenter cette clarification dans un formulaire officiel. Il ne peut y avoir de dispense pour l’obtention de l’autorisation dans ce cas tant que le patient est conscient.
  3. c) Il est nécessaire d’approfondir les recherches et les études sur les cas nécessitant une naissance par césarienne pour sauver la vie de la mère ou celle du fœtus, ou leurs vies à tous les deux, comme le cas où le cordon ombilical s’enroule autour du cou du fœtus, et que la mère refuse de donner l’autorisation pour la césarienne.

Deuxièmement : Recommandations Générales

L’Académie recommande ce qui suit :

1) Exhorter l’Organisation Islamique des Sciences Médicales à entreprendre des études comparatives entre les règles de la Charia, les règles de la législation actuelle, et les principes juridiques en vigueur, au niveau du monde arabe et du monde musulman, en ce qui concerne la pratique médicale et la responsabilité en cas d’erreur dans cette pratique, pour ensuite suggérer les mesures nécessaires pour faire concorder les lois de la Charia et les lois modernes.

2) La coordination entre l’Organisation de la Coopération Islamique et la Ligue Arabe et les organisations homologues du monde musulman, pour étudier la mise en place d’un projet unique de directives juridiques portant sur « les règles de la pratique médicale et la responsabilité en cas d’erreur médicale », et afin que les pays arabo-musulmans s’aident de cela dans la législation de leurs lois concernant la pratique médicale et les erreurs qui en découlent.

3) L’établissement d’une autorité exclusive dans chaque pays arabe et musulman qui soit, indépendante, et, seule habilitée dans la préparation de rapports d’expertise dans les procès judiciaires civils et privés et dans les litiges présentés devant les comités et tribunaux d’arbitrage concernant les erreurs résultant de la pratique médicale.

4) Introduire le système de réconciliation lors des poursuites pénales liées aux erreurs de pratique médicale, et ce à n’importe quel stade du procès. Cette réconciliation aura comme aboutissement l’arrêt de la procédure pénale et l’annulation de l’exécution des sanctions si les jugements deviennent décisifs.

5) Élargir les moyens de résolution des litiges et recourir à l’arbitrage en responsabilité civile, résultant d’une erreur de pratique médicale.

6) Mettre en place des comités spéciaux pour traiter les poursuites en justice non pénales et civiles d’ordres privés concernant les erreurs des médecins et de leurs collaborateurs à condition que ces comités soient les seuls habilités dans ce domaine.

7) Il est nécessaire de développer la connaissance effective de toutes les questions de fond, des procédures et des principales composantes du travail d’équipe et les renforcer précocement dans les programmes de formation des universités et des instituts de médecine.

8) Les médecins doivent recevoir une formation sur la pratique et les retours d’informations, en développant les connaissances et les compétences du travail en équipe, afin d’affiner les aptitudes acquises dans les universités et les instituts académiques.

9) Former les médecins lors de la période du résidanat dans le but de renforcer l’importance du travail d’équipe dans les soins médicaux et de faciliter le passage vers une culture de la sécurité.

10) Le secteur des soins de santé devrait développer et intensifier les enseignements tirés des programmes de qualification avancée.

11) Il convient de rendre hommage aux compétences des médecins en matière de travail d’équipe par le biais de procédures pour l’octroi de diplômes permettant d’exercer la profession.

12) L’examen de la licence par des conseils spécialisés doit inclure une évaluation des connaissances des nouveaux médecins concernant les composantes du travail d’équipe et leurs ambitions professionnelles communes.

13) Étudier la mise en place de système d’assurance concernant les risques découlant des pratiques médicales afin d’encourager le médecin à redoubler d’efforts dans le traitement du patient.

14) Les médias et autres moyens de sensibilisation doivent accorder de l’importance aux informations en relation avec les troubles psychologiques afin de les traiter rapidement et efficacement et sensibiliser la population aux droits des patients souffrant de troubles psychologiques.

15) La collaboration des pays arabes et musulmans afin d’élaborer une loi d’orientation unifiée pour la santé psychologique, inspirée des principes généraux du droit islamique, ainsi que des accords internationaux et des valeurs qui s’y rapportent.

16) L’entraide de l’Organisation de la Coopération Islamique et des pays arabes et musulmans pour élaborer une loi d’orientation unifiée concernant la santé mentale, inspirée des principes généraux du droit islamique et des accords et principes internationaux pertinents.

17) Organiser un séminaire spécialisé sur la santé psychologique et mentale pour discuter des questions éthiques et juridiques à ce sujet et aboutir à des recommandations spécifiques à cet égard.

18) Les établissements médicaux doivent se préparer à organiser des réunions périodiques entre médecins ou collaborateurs afin d’étudier toutes les nouvelles questions du domaine de la pratique médicale, échanger des avis sur les problèmes et les obstacles rencontrés dans cette pratique et étudier les erreurs médicales et suggérer des méthodes pour les éviter ou les restreindre.

19) Développer les compétences des médecins en matière de communication avec les patients et leurs proches de manière à permettre d’identifier l’évolution de l’état de santé du malade ainsi que les problèmes pouvant survenir lors des procédures médicales.

Allah est Plus Savant
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