LES MARCHÉS FINANCIERS

Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

Louanges à Allah, Seigneur des Mondes.

Que les éloges, et le Salut soient sur notre Maître Mohamed, Ultime Messager, sur les Siens et sur Ses Compagnons.

RÉSOLUTION N°63 (1/7)

LES MARCHÉS FINANCIERS

Le Conseil de l’Académie Internationale du Fiqh Islamique, réuni en sa septième session, à Jeddah, Royaume d’Arabie Saoudite, du 7 au 12 Dhoul Qi’da 1412 H (9-14 mai 1992) ;

Ayant pris connaissance des études soumises à l’Académie sur « les marchés financiers (les actions, les options, les marchandises et les cartes de crédit) » ;

Et ayant suivi les débats qui se sont déroulés à ce sujet ;

DÉCIDE CE QUI SUIT :

Premièrement : Les actions

  1. Participation au capital des sociétés

  1. Dès lors qu’en principe, les transactions sont autorisées, la constitution d’une société par actions ayant des buts et des activités licites est permise.
  2. Aucune divergence n’existe quant au caractère illicite de la participation au capital des sociétés dont l’objectif essentiel est illicite, à l’instar de l’usure, de la production et de la commercialisation de produits prohibés.
  3. En principe, il est illicite de prendre des actions dans les sociétés qui recourent, même à titre occasionnel, à des pratiques illicites telles que l’usure, même si leurs activités essentielles sont licites([1]).

  1. La prise ferme

C’est un accord passé lors de la constitution d’une société avec une personne qui s’engage à prendre la totalité ou une partie des actions émises. C’est un engagement de sa part à souscrire à tout reliquat n’ayant pas fait l’objet d’une souscription par un tiers. Un tel acte n’est pas interdit par la Charia si l’engagement de souscription se fait sur la base de la valeur nominale et qu’aucune contrepartie n’est perçue pour cet engagement. Celui qui prend l’engagement peut percevoir une rémunération pour un travail autre que la garantie et qui consiste, par exemple, à élaborer des études ou à commercialiser des actions.

  1. Échelonnement du paiement des actions au moment de la souscription

La Charia n’interdit pas le paiement d’une partie de la valeur de l’action souscrite avec le report des paiements du reliquat. Ceci est considéré comme une participation de la valeur de ce premier paiement, avec une promesse d’augmentation de capital, ce qui n’implique aucun manquement à la Charia car cela concerne l’ensemble des actions. Vis-à-vis des tiers, la société assume toute la responsabilité de la totalité du capital déclaré, celui-ci étant le montant connu et accepté par toutes les parties commerçant avec la société.

  1. L’action au porteur

La vente (de l’action au porteur) étant une part indivise des actifs de la société et vu que le titre de l’action est un document attestant le droit du possesseur de cette part indivise, la Charia n’interdit pas l’émission ni la circulation de ces actions.

  1. L’Objet du contrat dans la vente d’une action

L’objet du contrat dans la vente d’une action est la part indivise des actifs de la société. Le titre de l’action constitue un document confirmant le droit à cette part.

  1. Les actions préférentielles

Il n’est pas permis d’émettre des actions préférentielles ayant des caractéristiques financières qui permettent de garantir le capital ou une part des bénéfices, ou permettent d’être prioritaire au moment du bilan ou de la distribution des dividendes.

Il est permis toutefois de conférer à certaines actions des avantages en ce qui concerne la procédure ou l’administration.

  1. Le recours au Riba (usure) dans la commercialisation d’actions :

  1. Il n’est pas permis d’acquérir des actions au moyen d’un prêt avec intérêt accordé par un courtier ou autre à un acquéreur en contrepartie d’une hypothèque de l’action, dès lors qu’il s’agit d’une pratique usurière garantie par l’hypothèque. Ces actes sont prohibés par la malédiction jetée sur l’acheteur, le vendeur, l’enregistreur et les deux témoins de tout acte usurier.
  2. Il n’est pas permis non plus de vendre une action dont le vendeur ne détient pas la propriété, mais dont il ne jouit que de la promesse de prêt de cette action par un courtier au moment de l’acquisition. Cela revient en effet à vendre ce que l’on ne possède pas. L’interdiction est d’autant plus formelle lorsqu’il est exigé que le courtier perçoive le montant pour qu’il en profite en le déposant moyennant un taux d’intérêt, et cela en contrepartie du prêt qu’il a concédé.
  3. Vendre ou hypothéquer une action :

Il est permis de vendre ou d’hypothéquer une action conformément aux dispositions des statuts de la société. C’est le cas lorsque les statuts stipulent que la vente est libre ou assujettie au droit de préemption accordé aux actionnaires les plus anciens. Devront aussi être respectées les dispositions des statuts concernant la possibilité pour les actionnaires d’hypothéquer leurs parts.

  1. Émission d’actions avec droits d’émission

Il n’est pas interdit de majorer d’un montant précis la valeur de l’action afin de couvrir les frais de l’émission, à condition que ce montant additionnel soit calculé de manière adéquate.

  1. Émission d’actions à un montant supérieur ou inférieur

Il est permis d’émettre de nouvelles actions pour l’augmentation du capital si l’émission s’effectue conformément à la valeur réelle des anciennes actions selon l’évaluation de l’actif de la société, établie par des experts ou au prix du marché.

  1. Garantie de la société pour l’achat d’action

Le Conseil est d’avis de surseoir à toute décision à ce sujet jusqu’à une session ultérieure, en attendant un surcroît d’examens et d’études.

  1. La délimitation de la responsabilité d’une société à responsabilité limitée (SARL)

La Charia n’interdit pas la constitution d’une société dont la responsabilité est limitée à son propre capital, car cela est porté à la connaissance des partenaires de la société et que, de ce fait, il n’y a pas duperie pour les parties interagissant avec la société.

Il n’est pas interdit non plus que la responsabilité de certains actionnaires soit illimitée vis-à-vis des créanciers sans qu’une contrepartie soit accordée pour cet engagement. Il s’agit de sociétés qui regroupent à la fois des associés solidaires et des associés à responsabilité limitée.

  1. La négociation des actions par le biais de courtiers accrédités et droits d’adhésion aux marchés

Les autorités officielles compétentes sont habilitées à organiser la commercialisation de certaines actions en exigeant le recours aux services de courtiers spécialement accrédités dans ce domaine, étant donné qu’il s’agit de décision réglementaire visant à concrétiser des intérêts licites.

Il est également permis d’exiger des droits d’adhésion pour toutes les personnes qui opèrent des transactions sur les places financières s’il s’agit de décisions réglementaires visant à concrétiser des intérêts licites.

  1. Le droit de priorité

Le Conseil décide de différer sa décision à ce sujet jusqu’à une session ultérieure, pour un surcroît de réflexion et d’examens.

  1. Le certificat de propriété

Le Conseil décide de différer sa décision à ce sujet jusqu’à une session ultérieure, pour un surcroît de réflexion et d’examens.

Deuxièmement : Les options

  1. La formule du contrat d’Options

Les contrats d’options sont une compensation versée en échange d’un engagement de vendre ou d’acheter un bien précis, à un prix déterminé et pendant une durée déterminée ou à un moment donné, directement ou par le truchement d’un organisme garantissant les droits des deux parties.

  1. L’avis de la Charia

Les contrats d’option tels qu’ils ont cours actuellement dans les places financières mondiales sont une forme inédite de contrat qui ne fait partie d’aucune forme de contrat connue dans la Charia.

L’objet du contrat n’étant ni un bien, ni un usufruit, ni un droit financier susceptible d’être monnayé, il est illicite au regard de la Charia. Ces contrats étant illicites de par leur nature même, ils ne sont pas négociables.

Troisièmement : Les transactions de marchandises. de devises et d’indices dans les marchés organisés

  1. Les marchandises

Les transactions de marchandises dans les marchés organisés se font selon l’une des quatre méthodes suivantes :

Première méthode

Le contrat stipulant que la livraison et le paiement de la marchandise se font dans l’immédiat cette marchandise, sous sa forme physique ou matérialisée sous forme de titre, étant la propriété du vendeur et en sa possession. Ce contrat est autorisé par la Charia, selon les conditions de vente usuelles.

Deuxième méthode

Un contrat stipulant le droit de recevoir la marchandise et d’en payer le prix immédiatement, cet échange étant possible et comprenant la garantie de l’organisme compétent du marché. Ce contrat est autorisé par la Charia selon les conditions de vente connues.

Troisième méthode

Un contrat stipulant la livraison d’une marchandise précisément décrite à une date différée, le paiement se faisant à la livraison, avec une disposition mettant fin au contrat dès que la marchandise aura été livrée et payée. Ce type de contrat n’est pas autorisé, car le paiement et la marchandise sont différés. Ce contrat peut être modifié de manière à remplir les conditions inhérentes au “Salam” (vente d’un objet livré à terme et payé à l’avance). Si le contrat répond aux conditions de ce type de vente “Salam”, il devient licite.

De même, il n’est pas permis de vendre une marchandise achetée sous la forme du “Salam” avant sa réception.

Quatrième méthode

Le contrat concerne la livraison d’une marchandise précisément décrite à une date différée, le paiement devant être effectué au moment de la livraison, sans que le contrat ne prévoie la cessation du contrat dès la livraison et le paiement effectif, ce qui permet ainsi que le contrat soit annulé par un contrat inverse.

Cette formule qui est la plus courante sur les marchés n’est licite en aucune manière, au regard de la Charia.

  1. Transaction en devises

Les transactions en devises se font sur les marchés organisés selon l’une des quatre formules mentionnées plus haut, afférentes au commerce de marchandises.

Il n’est pas permis d’acheter et de vendre des devises selon les troisième et quatrième méthodes. Quant aux deux premières méthodes, elles sont licites pour l’achat ou la vente de devises, pourvu que les conditions de change conventionnelles soient respectées.

  1. Commercialisation de l’indice

L’indice est un chiffre qui se calcule au moyen d’une méthode statistique spéciale et dont le but est de connaître le volume des variations sur un marché donné. Cet indice est vendu dans certaines places internationales.

Il n’est pas permis d’acheter ou de vendre un indice, car cela s’apparente aux jeux de hasard et porte sur la vente ou l’achat de quelque chose de fictif et qui ne peut exister.

  1. L’alternative licite aux transactions interdites concernant les marchandises et devises

Il importe d’organiser un marché islamique des marchandises et des devises sur la base des transactions autorisées par la Charia et tout particulièrement le “Salam”, le change, la promesse de vente différée, le contrat de fabrication (Istisna’a), et autres.

Le Conseil de l’Académie est d’avis qu’il est nécessaire d’élaborer une étude exhaustive sur les conditions auxquelles sont soumises ces formules de rechange et leurs méthodes d’application dans un marché islamique structuré.

Quatrièmement: La carte de crédit

  1. Définition

Il s’agit d’un document que son émetteur remet à une personne physique ou morale, sur la base d’un contrat conclu entre les deux parties, afin que cette dernière puisse acheter des marchandises ou des services auprès d’une partie acceptant ce document sans effectuer de paiement immédiat puisqu’il comprend un engagement à payer de la part de l’émetteur.

Certains spécimens de ces cartes permettent de retirer de l’argent auprès des banques.

Il y a plusieurs sortes de cartes de crédit.

Pour certaines d’entre elles, le retrait d’argent et le paiement se font sur le compte bancaire du porteur de la carte et non sur le compte de l’émetteur, et dans ce cas on parle de carte de débit immédiat. D’autres types de cartes permettent d’effectuer les paiements sur le compte de l’émetteur, et les remboursements sont ensuite prélevés sur le compte du porteur à des échéances régulières.

Certaines cartes de crédit impliquent des intérêts sur le total du solde impayé pendant une période donnée à compter de la date d’échéance. D’autres n’imposent rien.

La plupart des cartes astreignent le porteur au paiement d’une redevance annuelle. Dans certains cas, l’émetteur n’exige pas de redevance annuelle.

  1. Conceptualisation des cartes de crédit au regard de la Charia

Après avoir débattu de la question, le Conseil décide de reporter toute décision concernant la conceptualisation des cartes de crédit au regard de la Charia ainsi que la position de cette dernière à ce sujet en attendant un surcroît d’étude et d’analyse([2]).

Allah est Plus Savant

([1]) Cf la résolution n°77 (8/8) et n°87 (4/9).

([2]) Cf la résolution n°96 (4/10).

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